L'abbaye de Bourgueil.
Voici un matin pâle qui s’ouvre à mes pas éblouis, à mes yeux nonchalants.
Le soleil pique mon visage des restes de la fine et fraiche pluie de la nuit. L’air est souple et le jour prometteur.
Bourgueil, ce matin, est souriant, enjôleur…
Un escalier, juste entra-perçu par une bouffée de soleil, offre une invite timide. La porte fermée tisse son nid de secrets.
J’allonge le pas et, juste un peu plus loin sur l’avenue, l’Abbaye me tire sa révérence. A ses pieds, le Changeon murmure sa cristalline complainte. Et si je suivais enfin ce sentier inconnu parce que privé, interdit, défendu ? J’ose…
L’endroit, dans une mi-ombre sauvage, est défait de tous bruits, si ce n’est un clapotis, un frémissement transparent. Le ruisseau chatouille les bas feuillages, caresse les rives tendres et vertes. Je lève la tête. Là, comme le château de la belle au bois dormant, le grand bâtiment blanc jaillit des branchages sombres. Le tuffeau est gorgé de soleil ! Belle lumière qui ouvre le chemin sur des murs protecteurs. Une cloche, immobile dans le silence ; une rose trémière perlée de transparence claire… La vie ici oublie de nous user.
Je respire les images, m’imprègne des couleurs en rêvant d’innocence. Je suis tout à coté, je peux la toucher si j’allonge le bras.
J’emprisonne un peu de Bourgueil en ma mémoire…